Voila comment l'histoire a commencé...
Un ami, Fred, possède ce bateau depuis quelques années, amarré dans le port de Monaco, juste à l’aplomb du Rocher princier.
Mais il faut vite lui trouver une nouvelle maison (au bateau, pas au Prince!), car la privatisation du port a entrainé la fin d'un privilège typiquement monégasque : la gratuité du port pour les embarcations de moins de 4 mètres.
Maintenant, l'Albatross risque le broyeur... Et ce serait bien dommage quand même!
J'ai donc acheté l'engin, Fred n'ayant plus le temps de s'en occuper, mais surtout pour lui éviter de se retrouver à la casse...
29 Septembre 2006, je pars donc récupérer la bête à Monte-Carlo...
Et voila, l'Albatross est à l'abri... Prochaine étape, le remettre en route et jouer avec dès que la météo le permettra!
Vu sur eBay, l'Albatross Super Sport ayant appartenu à S.A.R. le Prince Philip Duc d'Edimbourg (le mari de la Reine Elizabeth II) est à vendre!
(voir l'annonce)
Très classe, le tableau de bord est poli, puisque la coque est intégralement en aluminium!...
Ce bateau, acheté en '56, était utilisé à bord du HMY Britannia pour faire du ski nautique, et ce jusqu'en '67. Belle pièce d'histoire!
Le Prince Rainier de Monaco aurait possédé 6 de ces bateaux... à creuser, qui sait, il en reste peut-être un ou deux à sauver!
La première prise au "Yacht Show" d'Amsterdam, peut-être en '59 (c'est ce qu'on semble lire sur l'affiche derrière).
Le second cliché est plus intéressant... D'après les informations que j'ai eûs (merci Fred!), le yacht auquel est suspendu l'Albatross appartenait au Prince Rainier de Monaco. Ce qui confirme l'info selon laquelle il possédait plusieurs de ces runabouts...
Bon, va falloir que je m'en occupe du p'tit gars si je veux m'en servir l'été prochain...
Etablir l'historique de la marque m'aura pris un moment... Voici donc un résumé de ce que j'ai pu apprendre sur ces bateaux.
Les débuts
La firme Albatross Marine Ltd. est crée par deux ingénieurs anglais, Peter Hives (fils du directeur de Rolls Royce de l'époque) d'une part, et Archie Peace d'autre part (ingénieur aéronautique formé par la Bristol Aeroplane Company), à St. Olaves (Great Yarmouth, Angleterre).
C'est en appliquant les techniques aéronautiques qu'ils connaissaient, et en utilisant les surplus d'aluminium disponibles après-guerre, qu'ils créent le runabout Albatross MkI en 1949. Les premiers modèles sont commercialisés en 1950, équipés du moteur 100E de la Ford Anglia (4 cylindres en ligne marinisé de 1172cc, soupapes latérales, carburateur SU, sortant 35 cv à 4500 tr/mn).
La réussite
C'est alors que se joint à l'équipe Bruce Campbell, milliardaire de son état (famille Hoover), et ancien pilote d'essai chez De Havilland. A bord de son yacht, il parcourt la Riviera en ventant les mérites du petit Albatross. Suivant son modèle, de nombreux propriétaires de yacht ajoutent cette petite annexe biplace à leur navire...
De nombreuses célébrités deviennent alors propriétaires d'Albatross : Le Prince Rainer de Monaco (il en aurait possédé 6, voir article du 27/12/2006!), Grace Kelly, Onassis, Brigitte Bardot, le Prince Philip (Duc d'Edimbourg, mari de la Reine Elizabeth II), John Pertwee, Stirling Moss, George Formby, etc...
Nous sommes en 1954, et la compagnie Albatross Marine, forte de 60 employés, produit 150 bateaux par an! Pas seulement de petits runabouts, mais aussi des unités plus importantes, toujours en aluminium riveté. La British Rail construira même une voie de garage à proximité de l'usine pour expédier plus rapidement les bateaux vers l'Italie et le sud de la France...
Les ventes augmentant encore, une version 4 places du runabout sera proposée à partir de '57... Une motorisation plus puissante est proposée en option à partir de 1955 (moteur Coventry Climax 1220cc, 70cv), propulsant le petit MkII (conçu en 1960) à 47 noeuds (87km/h)!
Les performances du petit Albatross lui permettent de remporter victoire sur victoire, aussi bien en Angleterre qu'en France (Six Heures de Paris). Pour les mêmes raison, de nombreux clubs de ski nautique (sport alors en pleine expansion) utiliseront ces bateaux...
Le déclin de la marque...
Malheureusement, le destin de la marque est scellé par l'avènement dans les années 60 de la fibre de verre... Les coques polyester sont plus performantes, et plus simple à fabriquer, donc moins chères...
La dernière tentative d'Albatross Marine Ltd. sera un bateau en fibre de 18 pieds, équipé d'un moteur Jaguar de 3,8L. Mais le succès n'est plus là, et la société ferme en 1966.
Le décès d'Archie Peace, atteint depuis l'age de 40 ans d'une sclérose en plaques, se fera même dans l'indifférence de tous...
Albatros aujourd'hui
Environ 1200 Albatross auront été construits, parmi lesquels 800 biplaces (dont 600 MkI), et 400 quatre-places. Seulement 164 modèles équipés du moteur Coventry Climax auraient été produits, ce qui en fait un modèle particulièrement recherché.
On estime à moins d'une centaine le nombre d'Albatross existant encore à l'heure actuelle...
Manuel Albatross Sports Runabout et Continental 1965
Trouver des informations techniques sur les Albatross n'est pas évident...
Et comme j'ai en main la photocopie du manuel Albatross Sports Runabout & Continental 1965...
Et bien hop, un coup de scanner, et j'en fais profiter la communauté!
Bonne lecture!
Vous pouvez télécharger l'ensemble du manuel au format zip ici : [télécharger le manuel] (31 pages en 1024x630, 11Mo).
Un énorme merci à Richard qui m'a fourni la photocopie de ce précieux document...
Et pas des moindres, 2 Albies tractés par un Combi Split pickup simple cabine, aux couleurs de la société - Albatross Marine Ltd. - qui plus est! Y'a pas collector là??
Voici une perle de vidéo que j'ai trouvée sur l'excellent site British Pathé... Un petit sujet de moins de 3 minutes sur l'arrivée du ski nautique en Angleterre, en Juillet 1955!
Au delà des pinup en maillot de bain vintage, c'est le bateau utilisé dans la vidéo qui m'intéresse : un Albatross Sport, comme le mien!
Extrait du commentaire : "The comparatively modern sport of water skiing [...] started in the luxury ressorts of the French Riviera, taken out on the wide open water spaces of Australia and America, this exhilirating sport has reach Britain.". Traduction : "Le ski nautique, sport relativement récent, a fait ses débuts sur la Cote d'Azur, pour se développer ensuite dans les grands espaces aquatiques d'Australie et d'Amérique, et ce sport exaltant arrive désormais en Grande Bretagne!".
Le ski nautique a en effet débuté vers 1920, à Juan-les-Pins. C'est à dire, à peu de chose près, en bas de ma rue!
Extrait du commentaire : "The boats used are specialy made for the sport and cost 500£ each. They are powered by only 10 horses power motor engines, yet they are the fastest crafts of their type of float.". Traduction : "Les bateaux utilisés sont spécialement conçus pour ce sport, et coutent 500 livres pièce. Ils sont propulsés par un moteur de seulement 10 chevaux, mais sont néanmoins les embarcations les plus rapides pour ce type de coque.".
Enfin, pour la touche glamour so fifties : notez la skieuse blonde au début du film : son look ne vous rappelle personne?
Ce n'est surement pas un hasard, Marylin Monroe était alors au sommet, le film "Sept ans de réflexion" (avec la scène de la robe blanche au dessus de la bouche d'aération du métro) sortait au cinéma en Juin '55, c'est à dire tout juste un mois avant le tournage de cette vidéo!
Histoire de faire bouger un peu le site, j'ai décidé de mettre en ligne quelques photos au fur et a mesure de l'avancement des travaux, façon "journal de bord". Pas vraiment un article, je vous livre ça un peu pèle-mêle, quitte à ré-agencer le tout à la fin...
J'en étais resté au rapatriement du bateau fin 2006 (!).
Sans rentrer dans les détails oh combien scabreux de l'affaire, la personne qui m'hébergeait Pacha (le nom de mon Albatross!) s'est trouvée ne pas être un ami aussi fiable que je le pensais, et je n'ai pu rendre visite à mon bateau pendant près de 3 ans. Bref. (note pour plus tard : toujours garder un oeil sur ses amis...)
Trois années plus tard, je fini par trouver une remorque, un terrain pour l'accueillir, quelques paires de bras, et après une ou deux conversations tendues, je récupère l'engin.
Mais dans quel état! Quand j'arrive sur place, je prends une claque... J'avais laissé le bateau sous une bâche, bien à l'abri ; je le retrouve à la merci des éléments, le moteur baignant dans 30cm d'eau de pluie! Sans parler de la mécanique, j'espère que le poids de toute cette eau n'a pas endommagé la coque...
Le Pacha est donc déménagé en un lieu plus accueillant, ou je peux lui prodiguer les premiers soin (merci mon pote pour l'hébergement, même temporaire).
L'avenir reste incertain, je vais encore devoir le déménager d'ici fin Mai, et à ce jour je n'ai nulle part ou entreposer la bête... Il n'est pas impossible que je doive me séparer de la bête.
Voila l'état du Pacha quand je l'ai récupéré : la peinture s'écaille, brûlée par le soleil ; elle se décolle même par plaques à certains endroits à l'intérieur - probablement une mauvaise préparation du support, l'aluminium n'est pas évident à peindre. Un séjour prolongé dans l'eau n'aide pas, bien sûr...
Le moteur a séjourné dans 30cm l'eau, mais celle-ci n'est pas rentrée à l'intérieur. Le moteur n'est pas bloqué, son huile est clean. L'extérieur a morflé, mais le bloc est sans doute sauvable. Fred, à qui j'avais acheté ce bateau, a un bloc complet de coté, je suis donc pas trop inquiet sur la remise en route ; c'est du boulot, mais c'est faisable.
Coté coque, j'attaque donc le grattage de la peinture... Tous les moyens sont bons, mais c'est un travail de longue haleine, il va falloir que je me trouve de la main d'œuvre...
Sur le plan mécanique : démontage et état des lieux. Beaucoup de nettoyage déjà effectué, tout était couvert de restes de peinture écaillée... Et plus, le compartiment moteur était visiblement colonisé par plusieurs générations d'escargots!
Voila, ça avance... Pas aussi vite que je le voudrais, mais ça avance. La suite bientôt... J'espère!
Grosse mise à jour sur l'Albatross... Ca avance, enfin!
Pour commencer, début juin, il a été rapatrié dans mon atelier (fraichement rénové) : j'ai du coup installé un attelage sur Krapo Bleu, ma Golf, qui aura vraiment transbahuté tout et n'importe quoi.
Bref, le Pacha est enfin à un endroit où je peux bosser dessus, avec de la lumière, de la place... Bonheur!
Je me suis attaqué au moteur; pas trop de mauvaises surprises jusque là : les cylindres ont l'air clean, les soupapes ne sont pas grippées.
Par contre, le tube emmanché dans le bloc fonte sur lequel se raccorde le circuit de refroidissement est tombé en morceaux dans mes mains, bouffé par la rouille. Idem pour la grille en laiton qui renvoie une partie du flux de liquide vers les soupapes, l'oxydation en est venu à bout. Bon, c'est pas grave, ces deux pièces se trouvent en repro chez Small Ford Spares...
Mais les morceaux de métal dans le circuit, ça n'a pas fait rire la pompe à flotte qui en a perdu des dents. Il va falloir s'occuper d'elle - mais là encore, c'est dispo : impeller seul, kit de resto, ou même échange standard, tout est possible. Il faudra aussi trouver un p'tit frère au volant moteur, qui n'a que moyennement apprécié son séjour prolongé dans l'eau.
J'ai aussi récupéré le second moteur chez Fred (merci pour ta patience!!), avec les deux il devrait y avoir de quoi en faire un complet.
Sortir le moteur en soit a été plus simple que prévu. Il est pas bien lourd le petit bloc 100E... En s'y mettant à deux (merci David), il est venu sans faire d'histoires.
La partie la plus compliquée aura été de désaccoupler le moteur de l'arbre d'hélice. Un assemblage conique, de la corrosion, des concrétions sur l'arbre, et un gros écrou en laiton à double pas inversé (auquel il faut faire attention car fragile!), et on a la recette parfaite pour s'emmerder un bon moment.
Finalement, en suivant les conseils de BN (du forum OldSpeedBoats), quelques serre-joints, un bon marteau et de la patience ont suffit à libérer le moteur de l'arbre.
Le prochain défi de la série, c'est sortir le gouvernail, dont le boulon est non seulement fin rouillé, mais en plus dans un coin inaccessible... Et il doit sortir impérativement, sinon l'arbre le sort pas non plus.
Je compte faire sabler la coque, mais pour éviter que le sableur ne doive utiliser une trop forte pression (ce qui déformerait les toles et transformerait ma coque en champs de tir), je veux lui amener le bateau déjà décapé au niveau des zones comportant plusieurs couches de peinture + mastic, c'est à dire les œuvres vives de la coque, principalement. J'avance doucement, au décapeur thermique.
Pour sabler, il faut aussi que la coque soit complètement nue. Tout doit partir! Donc je démonte, je démonte... Et c'est pas une partie de plaisir! Bon, déjà, bateau anglais, donc visserie en pouces (Whitworth). Mais surtout, la corrosion galvanique entre la centaine de petites vis inox qui fixent les accessoires, et la coque en aluminium!
Chaque vis est comme soudée, et c'est un challenge de la sortir; toutes les méthodes y passent : WD40, tournevis à frapper, décapeur thermique, marteau, disqueuse pneumatique... Mais celle qui fonctionne le mieux, finalement, est d'attraper la vis par l'intérieur à la pince-étau (quand l'écrou a bien voulu venir d'abord, et que c'est accessible). Avec un mouvement de va-et-vient lent, on fini par débloquer la vis. Mais au total il faut bien 10 minutes par vis! Et rien que le liston faisant le tour de la coque en compte plus de 60...
Et il ne faut pas être claustrophobique : pour accéder aux vis à l'avant, il faut se contorsionner sous le tableau de bord (mes 1m84 n'aident pas), puis glisser la tête la première et jusqu'aux hanches dans un trou de 35cm de large aux pieds du cockpit (mes épaules ne passent pas en largeur, je dois les passer l'une après l'autre)... Tout ça avec des tôles d'aluminium bien coupantes tout autour, un renouvellement de l'air proche de zéro et aucune place pour les bras (si je fais tomber une clé, je dois ressortir pour mettre la main dessus!) .
Je ne suis pas claustro, mais je dois avouer qu'à un moment, à une heure du mat', tout seul dans mon garage, bloqué au fin fond de ma coque, je faisais pas le fier.
J'ai fait une jolie découverte au passage : une série de chiffres, inscrits au crayon à papier au dessous des rivets de la cloison du compartiment avant. Je suppose qu'il s'agit de ordre de rivetage, inscrit là par un ouvrier d'Albatross Marine en 1957 ; et vue la séance de spéléo que c'est pour arriver là, je serais pas surpris d'être le premier à les voir depuis la fabrication du bateau. Touchant non?
Voilà où j'en suis! Je passe souvent mes soirées dessus ("Je fais mon Jethro", j'vous laisse comprendre la référence), du coup ça avance bien. J'espère avoir fini de le déshabiller pour la fin du mois, pour pouvoir passer au sablage... A suivre très vite!
Du 11 au 15 Septembre derniers se tenait la "Monaco Classic Week", un événement bisannuel rassemblant dans la principauté des bateaux anciens : voiliers, vapeurs et runabouts/speedboats.
C'est l'occasion de voir une débauche de Rivas et autres Chris Crafts aux vernis impeccables, mais j'y étais surtout pour rencontrer John Fildes (AlbatrossMarine.co.uk) qui était descendu tout exprès d'Angleterre avec 2 Albatross!
Du coup j'ai pu aller faire un tour en mer en Albatross, 45 minutes poussé à presque 70km/h en pointe par le rare moteur Coventry Climax gavé par deux Weber double-corps : les Albatross étaient les plus petits bateaux de la Classic Week, mais aussi les plus rapides sur l'eau! Mes vertèbres s'en souviennent encore!
John était en plus accompagné du fils d'Archie Peace (créateur des Albatross)! Super rencontre, plein d'informations, de tuyaux, de conseils... Merci encore à vous deux!
Je vous ai ramené une vidéo de cette sortie en mer, qui ne retranscrit malheureusement pas très bien la vitesse de l'engin sur l'eau et le hurlement du moteur ; d'ailleurs, les chocs et l'eau de mer ont eu raison de mon Lumix!